Office Européen des Brevets

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Tout savoir sur l’Office Européen des Brevets

En 2023, plus de 199 000 demandes de brevets ont été déposées auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB), un record historique. Parmi elles, certaines viennent de géants comme Samsung ou Siemens, mais aussi de start ups, de PME française… Ce chiffre en dit long, protéger son invention à l’échelle européenne est devenu un réflexe stratégique. Pourtant, beaucoup d’inventeurs ignorent encore le rôle de l’OEB, ou pensent à tort qu’il ne concerne que les grandes entreprises.

La genèse de l’OEB 

L’Office Européen des brevets a été crée dans le cade de la Convention sur le Brevet Européen (CBE), signée à Munich le 5 octobre 1973. Cette Convention témoigne d’une volonté de coopération entre plusieurs pays européens pour simplifier et harmoniser la procédure de dépôt de brevets.

Le contexte historique est important pour comprendre l’avènement de ces deux organisations. En effet, avant 1970 et la CBE, chaque pays européen avait son propre système de brevets. Cela impliquait donc des procédures nationales différentes, aucune reconnaissance mutuelle automatique des brevets entre les pays, des dépôts multiples et couteux pour les inventeurs et les entreprises qui souhaitent bénéficier d’une protection européenne. Aussi, dans les années 60/70, l’Europe cherche à renforcer l’intégration économique (par le bais de la Communauté économique européenne notamment), la libre circulation des biens et des technologies et la compétitivité industrielle face aux états Unis et au Japon. L’unification du droit des brevets est vue comme essentielle pour créer un marché commun de l’innovation.

La CBE a vu le jour notamment pour répondre à l’échec de la Convention de Strasbourg de 1963, qui visait à harmoniser les lois nationales sur les brevets. Cet échec a mis en évidence la difficulté de parvenir à une harmonisation juridique complète entre les États. Il est alors apparu plus réaliste et efficace de créer un système parallèle, avec une procédure centralisée et un office commun plutôt que de tenter d’unifier en profondeur tous les systèmes nationaux existants. Enfin, la CBE a permis de répondre aux demandes des grandes entreprises européennes qui réclamaient un système efficace, centralisé et fiable, et un accès à la protection de l’innovation sur plusieurs marchés en même temps.

L’OEB est entré en fonction en 1977. Il fait partie de l’Organisation Européenne des Brevets, organisation intergouvernementale indépendante de l’UE, bien que ses membres soient majoritairement des Etats membres de l’UE.

L’OEB siège à Munich, et dispose de bureaux à la Haye, Berlin, Vienne et Bruxelles. Le président actuel est Antonio Campinos, l’ancien président de l’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle).

Les trois langues officielles de l’OEB sont le français, l’anglais, l’allemand.

Les membres de l’OEB 

En 2025, l’OEB compte 39 membres. On y retrouve les 27 Etats membres de l’Union Européenne, 12 autres pays non-membres de l’Union Européenne dont : la Suisse, la Norvège, la Turquie, la Serbie, l’Albanie, la Macédoine du nord, l’Islande…

Pour devenir un état membre, un pays doit respecter plusieurs conditions :

  • être un Etat Européen (au sens géographique) ;
  • signer et ratifier la Convention sur le Brevet Européen (CBE) ;
  • adapter son droit national à la CBE.

Les membres fondateurs sont entre autres, l’Allemagne, la France, la Suisse… Le dernier pays à avoir intégré la CBE est le Monténégro en 2022.

Le rôle de l’OEB 

L’office Européen des Brevets est une institution technique et juridique fondamentale dans le paysage de la propriété intellectuelle européenne. Sa mission principale est de délivrer des brevets européens de manière centralisée, mais son rôle dépasse largement cette fonction administrative. Il agit aussi comme un véritable acteur de l’innovation en Europe et un centre d’expertise technique et juridique internationale.

La mission principale de l’OEB est de gérer la procédure unifiée de délivrance des brevets dans les Etats membres de la CBE. Cela comprend :

  • Réception des demandes de brevet
  • Recherches de l’état de la technique (pour évaluer la nouveauté de l’invention)
  • Examen au fond (vérifier sur l’invention est brevetable : nouveauté, activité inventive, application industrielle)
  • Délivrance ou rejet du brevet 
  • Publication de la demande et du brevet délivré.

L’OEB offre aussi une procédure d’opposition : tout tiers peut, dans les 9 mois suivant la délivrance, contester la validité du brevet européen. Les recours se font devant la chambre des recours (une juridiction interne indépendante).

L’OEB accorde une attention particulière aux petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent une part croissante des déposants. Par le biais de programmes de soutien, de formations et d’un accès facilité à l’information brevets, l’Office cherche à rendre la protection par brevet plus accessible, abordable et stratégique pour les PME innovantes. Par exemple, le programme « Deep Tech Finder«  lancé par l’OEB en 2023 permet aux investisseurs et partenaires de repérer facilement les startups européennes brevetées dans des domaines de haute technologie.

L’OEB joue également un rôle clé dans la coopération avec les offices de brevets européens et non européens. Il fournit un soutien technique, des formations et des outils informatiques aux offices nationaux. Il collabore avec d’autres grandes institutions internationales comme l’OMPI, l’UPSTO (office américain), le JPO (office japonais), le CNIPA (office chinois), le KIPO (office coréen). Il participe également à des projets comme le Patent Prosecution Highway pour accélérer le traitement des demandes internationales.

Enfin, l’OEB développe et entretient plusieurs bases de données publiques (Espace net, Européen Patent Register). Il n’est pas un simple office technique, il est aussi force de proposition. Il publie des lignes directrices d’examen, participe à la réflexion juridique et éthique sur les brevets et dans les domaines sensibles comme l’IA, les biotechnologies, la santé.

Le rôle renforcé de l’OEB depuis 2023

Depuis le lancement du brevet unitaire en juin 2023, l’OEB a vu son rôle élargi et renforcé au cœur d’un nouveau système de protection des inventions en Europe.

Le brevet à effet unitaire est une nouvelle option offerte aux déposants de brevets européens. Il permet une protection uniforme dans plusieurs Etats membres de l’Union européenne. Contrairement au brevet européen classique qui doit être validé individuellement dans chaque pays, le brevet unitaire :

  • est unique et indivisible pour tous les pays participants ;
  • est administré et centralisé par l’OEB ;
  • réduit considérablement les coûts ;
  • simplifie la gestion post délivrance.

L’OEB est l’organe central de la mise en œuvre du brevet unitaire. Il est responsable de :

  • recevoir et traiter les demandes d’effet unitaire après la délivrance du brevet européen ;
  • gérer le registre du brevet unitaire qui contient toutes les informations juridiques (titulaire, statut, décisions) ;
  • percevoir les taxes annuelles pour le maintien du brevet unitaire ;
  • fournir une interface unique pour toutes les formalités post délivrance.

Ainsi, depuis 2023, l’OEB joue un rôle renforcé en devenant l’autorité centrale chargée de gérer le brevet unitaire, un titre unique de protection valable dans plusieurs États de l’UE. Il ne se limite plus à délivrer des brevets européens classiques, mais assure aussi le suivi administratif, juridique et financier de ce nouveau dispositif intégré.

 

En définitive, l’OEB occupe aujourd’hui une place centrale dans le paysage de l’innovation européenne. Depuis sa création dans les années 1970, il s’est imposé comme un acteur clé de la protection des inventions alliant expertise technique et coopération internationale. Son rôle, renforcé avec le brevet à effet unitaire, marque une nouvelle étape vers une Europe de l’innovation plus intégrée et compétitive.